Floridienne Chimie : Ecolo veut des assurances suite à la publication d’un avis négatif sur la sécurité
Nous sommes régulièrement interpellés sur l’impact de la Floridienne Chimie sur son environnement et sur la santé des riverains. En l’absence d’éléments concrets probants, nous réservions nos interventions.
Aujourd’hui, cependant, nous sommes en possession d’un document important et interpellant : l’avis de la cellule Risques d’Accident Majeur (RAM) de la Région wallonne sur le rapport de sécurité du site de la Floridienne Chimie (pour télécharger le rapport en format pdf, cliquez ici). Le rapport rédigé en 2003 a été analysé par la cellule RAM en 2004. L’avis de la cellule est négatif et le rapport est refusé. C’est un fait relativement rare pour être souligné. Un nouveau rapport doit être remis pour le 28 mai 2005.
Pour rappel, la société est classée « Seveso seuil haut », et donc il est question ici d’un grand risque, en matière de pollution de l’air, de pollution de l’eau et de risques d’incendie.
Notre volonté n’est pas d’être inutilement alarmistes. Cependant, on peut raisonnablement être inquiets pour la sécurité des travailleurs et pour la santé des riverains. Trois passages de l’avis de la Région wallonne sur le rapport de sécurité sont éclairants :
• Page 1 : « Le RS (rapport de sécurité) mentionne un certain nombre de situations à risque, rencontrées sur le site qui font craindre des pollutions répétées non détectables. L’absence de quantifications des effets potentiels et des probabilités de survenance ne permet pas d’être convaincu que les risques d’accident majeur sont maîtrisés.»
• Page 2 : « La suite de l’évaluation du rapport démontre que la gestion est bien moins prudente dans la pratique que dans les intentions déclarées . Le désaccord apparaît très clairement dans la protection du voisinage contre les émissions de poussières toxiques. Il n’y a pas de remplacement préventif des filtres à manches et il n’y a pas de dépoussiéreurs électrostatiques.»
• Page 3 : « Les procédés ne sont décrits que très sommairement comme s’il était évident que tout ne pouvait se passer autrement que prévu. »
Une certaine légèreté dans la gestion de la sécurité des travailleurs et de la santé des riverains
Au-delà des manquements, des imprécisions ou des oublis du rapport de sécurité rédigé par la Floridienne, nous pointons trois problèmes. Autrement dit, si le rapport note des insuffisances dans la manière de relater les processus, et que ces insuffisances seront sans doute corrigées dans le prochain rapport, l’avis de la Région wallonne pose de réelles questions sur la manière dont les questions de sécurité semblent traitées avec légèreté à trois niveaux :
1. La pollution de l’air par les métaux lourds, (plomb et cadmium surtout qui ont la particularité de rester fixés dans l’organisme, d’où toxicité grave) par une gestion des filtres qui semble être très aléatoire : « au vu de la toxicité du plomb pour l’environnement, il est inadmissible de ne pas avoir des gammes d’entretien qui imposent des remplacements systématiques avant que les filtres ne soient troués.» Et encore : « Le rapport permet d’attirer l’attention sur le risque de pollutions graves et répétées par destruction des filtres. Ces pollutions étant peu décelables et très dangereuses pour la santé publique, on peut considérer que, même s’il n’y a pas de risque d’accident majeur pour la santé au sens habituel par une seule émission à caractère majeur, il y a bien des risques d’émissions graves, fréquentes et non détectées pouvant avoir des effets cumulés désastreux.» Enfin, « Comme il a déjà été dit pour la litharge, il est inadmissible de ne pas remplacer les filtres avant qu’ils ne soient troués quand il faut protéger l’environnement de retombées de matières aussi dangereuses. »
2. Le manque de sécurité interne : aucun système de détection incendie n’est prévu, surtout dans les sections où des substances inflammables ou comburantes sont présentes. L’avis de la cellule RAM note que « l’absence de fiches des réactions prévisibles est une lacune grave car elle empêche de mettre en évidence les risques d’accidents les plus redoutables. » La situation de deux magasins d’entreposage de matières inflammables et toxiques est très préoccupante. Ainsi, l’avis de la cellule RAM mentionne notamment que « ce magasin est très préoccupant car il contient des matières toxiques pour l’environnement ; certaines d’entre elles sont inflammables et les autres sont capables d’entretenir un incendie ; le sol est constitué de dalles Stelcon dont l’étanchéité reste à prouver ; il n’y pas de détection d’incendie ni d’extinction automatique ; il n’y a pas moyen de gérer l’écoulement des eux d’incendie. »
3. La pollution de la Dendre notamment par le sulfate de zinc, le nitrate de cadmium, l’acide nitrique et le nitrate de nickel. L’avis préconise que la question des rétentions devra être examinée systématiquement. De plus, l’avis note que « dans le cas d’un rejet vers la Dendre, les principaux responsables sont informés de manière trop tardive , à savoir après que le rejet ait eu lieu. »
Au-delà de la Floridienne, une carence généralisée
Outre les carences dénoncées dans l’avis remis sur le rapport de sécurité de Floridienne chimie, il en est une dont personne ne fait mention car elle est indépendante de la volonté des exploitants et est totalement généralisée à l’ensemble du territoire de la Belgique. Il s’agit des informations relatives aux plans d’urgence et à l’information de la population.
Ces informations doivent figurer dans les rapports de sécurité. C’est une exigence de la directive SEVESO II et de l’accord de coopération qui traduit la directive en droit belge. Ce point ne figure jamais dans aucun rapport de sécurité car la Direction générale de la protection civile n’a jamais défini ces exigences en la matière. Un groupe de travail réunissant les divers services d’évaluation a élaboré un guide pour l’établissement d’un rapport de sécurité qui a été publié en février 2001. La direction des risques chimiques du SPF Emploi et Travail ainsi que les Régions ont élaborés des cahiers des charges très précis mais rien n’est venu de la Direction générale de la Protection civile et des Services d’incendie.
De guerre lasse, il a été convenu entre les agents qui s’étaient montrés diligents de ne plus attendre le Ministère de l’Intérieur et de limiter leurs investigations à leurs domaines de compétence.
La conséquence de ceci est qu’en Belgique il n’y a jamais eu de plans d’urgence externe ni d’information de la population pour toutes les entreprises SEVESO seuil haut visées par la directive de 1996.
Quelle information du citoyen à Ath ?
Nous avons tenté de consulter le dossier ce lundi 9 mai 2005 à l’administration communale. On nous a dit que l’avis de la cellule RAM n’avait jamais été reçu. Mais il faut dire que la manière dont l’agent a évoqué le problème montrait bien qu’il était au moins au courant du document. En effet, l’administration communale est avec les pompiers, la protection civile, l’entreprise et le ministère de l’emploi et du travail, est un des destinataires du document. La cellule RAM, recontactée lundi, nous a certifié que le document a bien été envoyé à l’administration communale. Si le document est bien en possession de l’administration communale, on serait bien face à une rétention d’informations et face à une volonté de ne pas informer correctement les citoyens. En effet, la réglementation wallonne en matière d’accès à l’environnement dit que tout citoyen a accès aux données de fait ou de droit relatives à l’aménagement du territoire et à l’environnement; et concernant: l’état des eaux, de l’air, du sol, de la faune, de la flore et des espaces naturels, ainsi que ses altérations; les projets et activités susceptibles de porter atteinte à l’environnement ou de mettre en danger la santé humaine et les espèces animales ou végétales, notamment en ce qui concerne l’émission, le rejet ou la libération de substances de rayonnements, de vibrations, d’organismes vivants ou d’énergie dans l’eau, dans l’air ou dans le sol, ainsi que la fabrication et l’utilisation de produits ou substances dangereuses; les mesures de préservation, de protection et d’amélioration de la qualité des eaux, de l’air, du sol, de la faune, de la flore et des espaces naturels, ainsi que celles ayant pour objet la prévention et la réparation des dommages susceptibles d’être occasionnés.
Ce qu’ECOLO demande et ce qu’ECOLO va faire
• A la Floridienne Chimie, nous demandons : quelles sont les mesures qui ont été prises pour s’assurer des conditions de sécurité ? Nous savons que la Floridienne est aidée par la cellule athoise de prévention des risques qui a été créée après la catastrophe de Ghislenghien. Cette cellule aide la Floridienne dans la rédaction du nouveau rapport qui doit être rentré pour le 28 mai. Mais qu’en est-il des mesures concrètes prises pour répondre aux manquements les plus criants en matière de sécurité pour les travailleurs, et de santé pour les riverains ? Nous vérifierons notamment les éléments suivants dans le nouveau rapport de sécurité : identification des installations présentant un danger réel ; illustration des conditions techniques de fonctionnement de ces installations ; explication des mesures de prévention et des précautions particulières effectivement mises en œuvre sur chacune des installations ; les précautions prises pour éviter le rejet de matières toxiques dans la Dendre, les décisions prises en matière de remplacement des filtres, les solutions développés pour rendre plus sûr le stockage du dioctylphtalate, les systèmes de détection incendie et les systèmes automatiques d’extinction.
• Face aux suspicions de pollution par les métaux lourds, nous demandons que l’administration communale diligente une étude épidémiologique totalement indépendante, avec la Région wallonne et la Communauté française le cas échéant, pour s’assurer que les riverains de l’usine ne sont pas soumis à des taux de pollution élevés.• Jean-Marc Nollet interpellera le Ministre de l’Intérieur sur les manquements de la Protection civile en matière de respect de la Directive Seveso II et de son application en droit belge.
• Enfin, nous étudions, devant un possible refus d’accès à l’information par l’administration communale, la pertinence d’un recours devant la commission de recours pour le droit d’accès à l’information.
Ronny BALCAEN – Bernard COURTOY
Secrétaires Ecolo-Ath
Jean-Marc NOLLET
Député