Une intervention de Ronny BALCAEN, Échevin de l’Environnement, en réponse aux questions de Madame Pascale Nouls, conseillère communale, relative aux principaux toxiques rejetés dans l’eau et l’air par les usines Flaurea et Höganäs.

 

Madame la Conseillère,
Je vous remercie pour votre question. Je vais prendre le temps de faire le point sur la qualité de l’air ainsi que la qualité des eaux de rejet industrielles et des eaux souterraines, le tout en lien avec les usines présentes au centre-ville.

1. Les normes de rejets

Les normes définies, tant pour les rejets d’eaux que pour les rejets atmosphériques, sont reprises dans les permis d’environnement ou unique des entreprises. Le SPW Direction générale Agriculture, ressources naturelles et Environnement – Département de la Police et des Contrôles (DPC) est responsable pour veiller au respect des conditions des permis d’environnement, y compris les rejets d’eaux industrielles et les rejets atmosphériques.
Le respect de ces conditions est ainsi évalué lors de contrôles périodiques menés par les services du DPC, en principal.
La liste complètes des normes à respecter est trop longue pour la présenter ici mais les services peuvent vous fournir l’information à la demande. Concernant des infractions aux normes de rejets des eaux industrielles des permis d’environnement, le DPC a constaté :

Pour Flauréa
  1. Une infraction aux rejets d’eau industrielles concernant la présence d’huiles et de matières flottantes, le 24/02/2021
  2. Des dépassements des normes en phosphore (3x en 2017) et en zinc (2x en 2017) dans des eaux de rejets, le 29/10/2018
Pour Höganäs
  1. Des dépassements des normes en éther de pétrole et dans les matières en suspension, le 12/10/2020

Ces rejets se font dans les masses d’eau de surface avoisinantes (Dendre Occidentale et Canal Blaton-Ath).
À notre connaissance, ces infractions ont été corrigées endéans les 6 mois de leur constatation.
Le Département de la Police est des Contrôles a été interrogé sur d’éventuels dépassements plus récents.

2. La mesure de la qualité de l’AIR

En plus des contrôles concernant les permis d’environnement, reprenant les émissions à la source , les autorités disposent de plusieurs outils pour évaluer la qualité de l’air aux abords des sites de Flauréa et Höganäs.
Les deux types de particules étudiées sur Ath sont, d’une part, les particules fines (PM10), inhalables, et, d’autre part, les poussières sédimentables, n’entrant généralement pas de l’appareil respiratoire humain, filtrés par les voies aériennes supérieures (fosses nasales, larynx, pharynx).

De manière permanente, la Wallonie dispose de points de prélèvements journaliers sur Ath pour les teneurs en métaux

  • 2 jauges pour les poussières sédimentables, qui font l’objet d’un échantillonnage tous les 28 jours
  • 1 préleveur pour les particules fines, qui fait l’objet d’un échantillonnage journalier. Vu le passé des statistiques, Ath et Sclaigneaux sont les deux seuls sites qui font l’objet depuis de nombreuses années de cet échantillonnage journalier.

Fin de la mandature communale précédente, des réunions ont eu lieu entre la commune, les acteurs wallons en charge de la qualité de l’air et les représentants de l’entreprise Flauréa, ainsi que des membres du comité d’accompagnement Flauréa- Höganäs. Au début de la mandature actuelle, une telle réunion a été également eu lieu avec l’entreprise Höganäs.

Il s’agissait dans les deux cas de mieux comprendre l’origine des différentes pollutions et d’y remédier. Dans la foulée de ces deux réunions, la Wallonie a décidé de mener une campagne ponctuelle spécifique de prélèvements des particules fines. Cette campagne a été mise en place par l’ISSeP entre février 2020 et mars 2021 en ajoutant trois outils de prélèvements des particules fines à celui existant.
Avant d’en venir aux résultats de cette campagne, on peut s’arrêter sur l’état de la situation en 2020.
Je me réfère au courrier de l’AWAC du 27 janvier 2023 accompagnant le rapport de la campagne de mesures dont je viens de parler.

Au cours des 13 années précédant la campagne (2007-2020), on observe notamment les éléments suivants au niveau des teneurs en métaux dans les particules fines (rue Thomée) :

  • Pour le cadmium, les concentrations moyennes annuelles ont chuté de plus de 50 % depuis 2013, année avant laquelle la norme européenne était régulièrement dépassée. Ath reste néanmoins dans le trio de tête, régulièrement premier, des stations en Wallonie. Les derniers pics journaliers plus importants datent de janvier 2020.
  • Pour le nickel, les concentrations moyennes annuelles ont tendance à se tasser progressivement. Ath reste néanmoins dans le trio de tête des stations en Wallonie. Les derniers pics journaliers plus importants datent d’octobre 2019.
  • Pour le chrome, les valeurs moyennes annuelles à Ath se classent 3e des stations wallonnes.
  • Pour l’arsenic, le cuivre, le plomb et le zinc, les valeurs moyennes annuelles à Ath se situent en milieu de classement parmi les stations wallonnes.

D’autre part, encore actuellement, selon les critères non réglementaires établis par l’ISSeP, les teneurs dans les retombées (=poussières sédimentables) sont jugées «élevées » en cadmium, de façon équivalente aux 2 emplacements, et « très élevées » en nickel, avec des teneurs nettement supérieures à proximité des 2 usines.
Les retombées en cadmium aux 2 emplacements sont nettement plus faibles et stables depuis 2014. Les retombées en nickel Rue Thomée suivent la même tendance que le cadmium depuis 2014. Par contre, près des usines, les retombées en nickel ont suivi une hausse relative en 2018-2019 avant de rediminuer. Ces retombées ne sont pas inhalées et elles génèrent donc moins de risque direct pour la santé.
Elles contaminent néanmoins l’environnement à proximité (sols, eaux, plantes, …) et ces métaux s’y accumulent.

Pour plusieurs raisons, et notamment pour pouvoir comprendre qui émet quelles particules, une campagne ponctuelle spécifique de prélèvements des particules fines (sur 3 emplacements) a été mise en place par l’ISSeP entre février 2020 et mars 2021.

Toujours dans son courrier du 27/01/2023, l’AwAC nous dit :
Les résultats de la campagne d’analyse des particules fines 2020/2021 montrent que :

  • Les normes européennes fixées pour l’arsenic, le cadmium, le nickel et le plomb ainsi que les critères d’intervention de l’AwAC pour ces mêmes éléments sont respectés aux 3 emplacements.
  • Les critères d’intervention de l’AwAC pour 13 autres métaux analysés sont respectés, à l’exception du manganèse rue de Pintamont où la valeur a été dépassée 1 journée au cours de la campagne.
  • Les objectifs de l’OMS pour le Cd et le Pb sont respectés ;
  • Les objectifs de l’OMS pour l’As et le Ni, à savoir de ne rien détecter du tout, ne sont pas atteints. Il s’agit néanmoins d’objectifs quasi irréalisables dans un environnement urbain.

En ce qui concerne les particules sédimentables, le même courrier précise :
« En collaboration avec les entreprises et avec le Département de la Police et des Contrôles (SPW), l’AwAC poursuit ses investigations visant à identifier les sources précises d’émission de nickel et de cadmium qui sont à l’origine des retombées qui continuent à être constatées. L’objectif final de l’AwAC est d’amener les entreprises à réduire au maximum ces émissions. »

En résumé, les différentes analyses nous disent :
  1. Que les particules fines pour les métaux respectent les normes européennes et wallonnes de manière quasi-permanente depuis 2013. C’est une évolution positive même si je suis convaincu que pour certains polluants, nous devrions pouvoir nous éloigner du trio de tête des stations wallonnes de mesure des particules fines ;
  2. Que les poussières sédimentables pour le Cadmium et le Nickel sont considérées élevées ou très élevées, d’autant plus qu’on se rapproche des usines.

La Ville collabore bien évidemment avec les différents acteurs dans la réalisation de l’objectif final de l’AWAC : amener les entreprises à réduire aux maximum les émissions de particules sédimentables.

3. La qualité des eaux souterraines au droit de Flaurea
3.1 Les métaux lourds

Depuis 2022, une étude est menée par la SPAQUE visant à préciser la délimitation de la pollution en métaux lourds dans la nappe des calcaires du Carbonifère autour de l’usine de Flaurea Chemicals (ex-Floridienne) à Ath. La nappe des calcaires correspond à la nappe aquifère qui se situe aux alentours d’une profondeur de 20m par rapport au niveau du sol. L’étude a également analysé la pollution en métaux lourds dans la nappe alluviale (environ 10 mètres de profondeur par rapport au niveau du sol).
Pour rappel, la zone dans un rayon de 100 mètres autour est sous le coup d’un arrêté du Bourgmestre depuis décembre 2021 visant à y interdire tout captage, dans l’attente des résultats de l’étude SPAQUE. En cours d’étude, un second arrêté du Bourgmestre a étendu la mesure au quai de Flandre et au côté droit de la Rue Gérard Dubois.
Cette étude est toujours en cours à ce jour, principalement pour pouvoir définir l’étendue de la pollution au nord-est. En voici certaines conclusions provisoires présentées le 18/04/2023 au Comité d’accompagnement :

  • La nappe alluviale et la nappe des calcaires sont toujours polluées en métaux lourds, en particulier le cadmium, le nickel et le zinc, liés aux activités historiques de Flaurea Chemicals.
  • L’extension de la tache de pollution dans la nappe des calcaires au-delà des limites de l’usine a pu être délimitée sauf vers le nord-est.
  • Actuellement, aucun risque pour la santé humaine n’a été mis en évidence vu l’absence de captage dans la zone d’enquête publique
  • Quand la tache de pollution dans la nappe des calcaires sera totalement définie, une interdiction de captage au sein de la tache de pollution définie ainsi que sur une « zone tampon» qui reste à préciser permettra de gérer les risques pour la santé humaine.

A noter que deux réunions citoyennes ont été organisées à l’attention des habitants concernés avant le début de l’étude et à la suite des premières conclusions.

3.2 Les PFAS

Le Service Environnement de la Ville a d’initiative interrogé la SPAQUE en date du 10 novembre 2023 sur d’éventuelles concentrations en PFAS ayant pu être relevées durant les prélèvements de l’étude de 2022-2023. Voici ce qui a été répondu :

L’année passée (2022), nous avons fait analyser les PFAS pour 2 ouvrages situés au droit de l’usine Flaurea Chemicals.
Au niveau des concentrations, dans la nappe alluviale, la somme des 20 PFAS s’élèvent à 110 ng/L pour une future norme européenne de 100 ng/L.
Dans la nappe des calcaires, la somme des 20 PFAS s’élève à 9 ng/L.
En résumé, il y a des PFAS dans les deux nappes mais à des teneurs proches de la future norme pour la nappe alluviale et très nettement inférieure à la future norme pour la nappe des calcaires.

Par téléphone, il a toutefois été signifié qu’on ne peut extrapoler l’étendue de cette concentration au PFAS à d’autres endroits de la nappe alluviale de la Dendre. Il faudrait, pour caractériser cette étendue, mener des prélèvements à d’autres endroits.
À la suite de cette information, notre service Environnement a vérifié, via ses données sur les permis d’environnement en cours, si des captages d’eau étaient présents à proximité du site de la Flauréa. Après vérification, ces deux captages puisent à une profondeur correspondant à la nappe des calcaires, où les concentrations en PFAS ne sont pas jugées préoccupantes.
Le Service Environnement s’attèle également à dresser une liste des endroits potentiels pour réaliser des prélèvements dans la nappe alluviale. Nous avons également interrogé le SPW sur ses intentions quant à un complément d’enquête ciblé sur les PFAS au niveau de Flaurea.

J’espère avoir pu répondre à vos interrogations quant à l’évolution des pollutions de l’air et de l’eau liées à la présence d’industries à proximité de notre centre-ville. Sur le long terme, la situation évolue positivement, mais il y a encore des actions à poursuivre et à entamer pour améliorer notre environnement et protéger la santé de nos concitoyennes et concitoyens.

Ronny Balcaen – Echevin de l’Environnement